Arrivée

*Je n’y arriverai jamais!
Je ne peux pourtant pas rester prisonnière de la dérive du courant.
Quelle stupidité justement que de partir seule, sans expérience de la navigation…*

Maëra se tenait ces pensées alors qu’elle s’escrimait sur la rame pour tenter tant bien que mal de s’approcher du rivage. Le courant faisait dévier la petite embarcation manœuvrée avec énormément de difficulté par la jeune fille qui avait perdu toute confiance en ses capacités maritimes. Elle s’acharnait avec force mais peu de résultat, sur les flots qui opposait leur pression à celle de ses bras. Après quelques temps, Maëra, qui n’aimait plus autant la mer, commença à comprendre les réactions du bateau et sut ajuster ses mouvements afin d’en tirer de meilleurs résultat. Avec une lenteur extrême et une endurance nécessaire, elle réussissait finalement à s’approcher du port, où quelques personnes ayant remarqué sa présence s’agglutinaient et semblaient discuter entre elles. Possiblement dans le but de déterminer l’identité et les intentions de la nouvelle venue.

À bout de force, essoufflée puisqu’elle avait mal respiré durant l’effort auquel elle n’avait jamais été habituée, Maëra sentit avec joie l’onde de choc traverser son corps lorsque la petite embarcation qu’elle s’était échinée à manœuvrer alla se frapper sans grande force au bois du quai.
Le regard flou, sur la limite de la conscience, la jeune rameuse en herbe vit s’approcher un petit groupe d’habitant. Ses oreilles bourdonnaient tellement qu’elle ne comprit pas un traitre mot de ceux qui lui furent adressés.
Ses cheveux lâchement noués sur sa nuque se collaient à ses vêtements imbibés de sueur. La bouche pâteuse, Maëra cherchait sa salive afin de demander l’aide de ces gens. Son bras droit se souleva faiblement vers les visages alors qu’elle réussissait avec grand effort à articuler :

''Je…en pris…aidez…m…débarquer…''

Sa respiration était haletante, son esprit embrumé. Sa main rencontra finalement celle la plus près à laquelle elle s’accrocha pour se faire hisser sur le quai où elle s’étala de tout son long, bien heureuse d’échapper au mouvement des vagues qui commençait à lui donner la nausée.
Après quelques secondes de répit délectable, dans un éclair de lucidité elle se redressa, un peu trop rapidement pour sa pauvre tête.

''Le ba…bateau, … faut… l’attacher, pour qu’il…reste ici.''

Le Commodore s'était arrêté sur l'île d'Aube parce qu'il traquait un pirate. Il ne connaissait pas assez bien le bateau de ce pirate pour le reconnaître parmi les autres du port, mais il savait qu'il était parmi eux, car le soldat à la vigie le suivait des yeux grâce à une longue-vue. Par contre, il est fâcheux que le bateau pirate se trouvait trop loin pour que l'on remarque quelques traits distinctifs. Ses soldats partirent à sa recherche dans la ville, mais ils avaient l'ordre de ne pas paniquer la foule et de passer le plus inaperçu possible jusqu'à ce qu'ils trouvent le pirate en question.

Alors, pendant qu'une partie de ses hommes cherchaient le pirate en groupe de trois ou quatre, Dafond restait près du navire avec le reste espérant le voir s'il veut retourner à son bateau. C'est après quelques minutes qu'un groupe d'habitant approcha d'un quai d'un pas pressé. Jean-Louis vit dans la mer une petite barque avec à son bord, une femme en difficulté. Instinctivement, il donna l'ordre à ses hommes de continuer la recherche pendant qu'il allait aider la dame.

Ainsi Jean-Louis était dans le groupe d'habitant voulant aider Maëra. Sa main fut, d'une certaine façon, l'heureuse élue. C'est le Commodore qui hissa la demoiselle sur le pont. Il la coucha sur le sol.

-Que pouvons-nous faire pour vous?

Dafond répondu à sa demande et alla attacher son petit bateau et retourna ensuite à ses côtés ainsi que quelques habitants d'Aube.

Ayant retrouvé une certaine contenance, Maëra put mieux détailler les gens qui l’entouraient, plus précisément l’homme qui lui était venu en aide. Il lui semblait assez grand et son visage souriant la rassurait, de plus en remarquant ses habits, elle comprit qu’il était un homme important. Elle ne put toutefois identifier son titre. Elle prit conscience de la situation, et rougit de honte devant sa faiblesse tout en se redressant sur ses jambes encore un peu molles. Elle réussit à marcher en titubant légèrement jusqu’à son embarcation où elle récupéra son sac et sa précieuse rapière qu'elle passa sur son épaule et à sa taille. Maëra se tourna de nouveau vers l’homme sans oser le regarder dans les yeux pour s’adresser à lui selon toutes les règles de la préséance.

''Merci infiniment pour l’aide que vous m’avez apportez, sachez qu’elle est grandement appréciée, si je puis vous être d’une quelconque aide, je le ferai avec plaisir.''

Puis elle croisa le regard de l’homme pour lui adresser un ravissant sourire emprunt de toute sa reconnaissance. Elle réfléchit un instant puis reprit la parole d’une voix hésitante:

''Pourriez-vous me renseigner, je vous pris, sur ce lieu, j’ignore entièrement où je peux me trouver. Je…je me suis perdue.''

Ses yeux remplis d’un certain désarroi scrutaient les alentours, comme si ce geste pouvait raviver sa mémoire.

Le Commodore sembla calme, mais était en fait très intrigué et curieux. *Soit elle me ment pour cacher ce qu'elle fuit ou elle est vraiment perdue.* En regardant son sourire et son geste prouvant qu'elle cherchait à découvrir où elle était, Jean-Louis ne put que la croire.

-Certainement que je peux vous aider, je suis souvent venu sur cette île et sur bien d'autres. Vous êtes présentement sur l'île d'Aube, une île paisible où vous êtes en sécurité.

Monsieur Dafond s'inclina humblement et poliment devant la dame pour se présenter, car il tenait avant tout à se présenter à Maëra pour qu'elle se sente en confiance.

-Avant de continuer, ... je suis le Commodore Jean-Louis Dafond de l'armée impériale pour vous servir madame.

*J'espère ne pas en faire trop peut-être que l'évènement qu'elle a subit la bouleversé plus gravement que je le pense*

''L’-î-le d’-Au-be…''

Elle répéta ce nom très lentement, insistant sur chaque syllabe, une mine de profonde réflexion sur le visage.

''Ça ne me dit rien du tout. Pourtant j’ai suivit des cours de géographie, je ne suis pas sotte.''

*Je n’ai pas pu passer plus d’une nuit dans ce bateau, mon état n’était pas si désastreux, j’étais seulement un peu désespérée.*

Gardant le silence, elle semblait aux prises avec un dilemme intérieur, complètement coupée de tout repère.
Alors qu’elle s’apprêtait à le questionner, l’homme reprit la parole. Maëra le fixa de nouveau alors qu’il se présentait à elle. Elle fut fort heureuse d’apprendre le grade de cet homme, ainsi elle ne s’était pas trompée à son sujet, selon toute logique elle n’avait rien à craindre de lui. De plus, les manières et la prestance de l’homme la rassurait alors qu’elle commençait à analyser plus lucidement la situation.

''Enchantée de faire votre connaissance cher commodore Dafond, quant à moi, je me prénomme Maëra, Maëra de Frontellier. Surement avez-vous déjà entendu parler de Nuronis, dans la Gorge du Titus? C’est de là que je viens, et je ne crois pas être partie avant hier soir. Quelle étrangeté, vous en conviendrez que de me retrouver ce matin dans un lieu dont je n’ai jamais entendu parler.''

Elle scrutait le commodore afin d’interpréter sa réaction, la crainte qui la tenaillait toujours un peu malgré toutes ses tentatives pour la faire taire, paraissait dans ses yeux bleu-vert, qui balayaient nerveusement les alentours. Le commodore avait sa confiance, mais elle ne pouvait refreiner sa nervosité face aux autres badauds toujours regroupés sur les lieux, dont certains la dévisageait. Elle releva la capuche de sa cape sur sa tête afin de camoufler un peu le désastre que devaient être ses cheveux après les dernières circonstances.

*Bravo, si je n’ai pas l’air totalement idiote…*

Dès qu'il entendit "Nuronis, dans la Gorge du Titus", Jean-Louis comprit qu'elle n'avait jamais mit les pieds dans l'archipel et que c'est pour cela qu'elle a aucune idée d'où elle est. Il lui faudrait beaucoup de temps pour tout lui expliquer et il était bien décidé à le prendre ce temps. Il lui tendit le bras tel tout bon gentleman lorsqu'il s'apprête à prendre un marche accompagné d'une demoiselle.

-Venez avec moi sur mon navire. Il y a tant de choses à vous expliquer et je vous assure que vous comprendrai tout après mes éclaircissement. Il donnait l'impression d'avoir de nobles intentions lorsqu'il dit ces phrases.

Pendant leur marche jusqu'à son navire, Jean-Louis lui commença à lui expliquer la situation tout en essayant d'atténuer le choc qu'elle ne pourra plus retourner chez elle, qu'à partir de ce jour, elle devrait commencer une nouvelle vie à Orellon.

-Pour être franc ma chère, vous êtes maintenant dans un tout nouveau monde. Je connaît l'existence du lieu d'où vous venez, mais je n'y ai jamais mit l'encre et je ne le ferai probablement jamais. L'île où nous sommes fait partit d'un groupe d'île où le contact avec le monde extérieure est énormément réduit. Ces îles possèdent tous des noms: l'île de Wetherborough, l'île d'Aube, l'île du Primate Volante, l'île d'Éclipse et les îles indigènes qui sont nombreuses, mais que l'on regroupe sous un seul nom. Avez-vous déjà entendu parler d'une de ces îles, si oui on vous a parler indirectement de l'archipel d'Orellon?

Voyant Jean-Louis lui tendre le bras de la façon la plus invitante possible, Maëra se rapprocha pour suivre cet homme sur son navire. Elle se trouvait tout de même avec un commodore de l’armée impériale, en plein jour et entourée de plusieurs autres personnes. C’est donc avec confiance et espoir qu’elle lui emboita le pas afin de ne pas manquer une seule de ses explications.

*Ainsi, je vais enfin comprendre ce qui se passe. En connaissant ma situation il sera plus aisé d’aviser les démarches à entreprendre.*

Elle écouta avec attention les explications que l’homme lui donnait sur cet archipel. Elle percevait bien qu’il tentait de se faire apaisant à ses côtés et se prépara donc à un certain choc. Elle le regarda intriguée, fronçant les sourcils lorsqu’il lui apprit qu’ils se trouvaient dans un tout nouveau monde. Lorsqu’il souligna le faible contact avec le monde extérieur, Maëra ne comprit plus trop ce qu’il lui expliquait.

*Pourtant, j’y suis arrivée sans grande difficultés. Cela signifie-il que pour une certaine raison, nos deux états sont opposés et qu’étant perçue telle une ennemie je me suis mise dans de beaux draps sans même le savoir en pénétrant dans un lieu qui m’était interdit? Si c’est le cas, ce représentant l’empire pourrait avoir comme idée de m’emprisonner, ou même pire…
Bien sur que non, quelle imagination que j'ai, cet homme est bien trop gentil, et comme si les dualité entre état l'empêcheraient de remarquer que je suis une faible femme.*

Perdue dans ses pensées, elle n’avait pas bien comprit le reste des explications de l’homme, elle redevint pourtant consciente des propos qu’il tenait alors qu’il terminait sa phrase en nommant l’archipel par son nom : Orellon. Sur son visage l’inquiétude de ses réflexions paraissait encore lorsqu’il se releva pour dévisager l’homme. Alors qu’elle replongeait dans ses souvenirs elle oublia ses craintes et retrouva un certain calme.

''Orellon dites-vous? Ce terme éveille bien des souvenirs. Il y avait différentes légendes et rumeurs sur cet homme et sur ce lieu, mais elles tenaient plus de la fantaisie que de la réalité. Chez moi il était interdit d’en parler, alors il n’a pas à dire que mes parents ou instructeurs n’ont jamais voulu répondre à mes questions, j’en connais donc bien peu.
Ainsi, je me serais retrouvée par un pur hasard en ce lieu pratiquement mythique?''

Un rire léger traversa ses lèvres alors que son visage s’illuminait.

Jean-Louis avait trouvé l'information qu'il désirait, il voulait savoir qu'est-ce que dame connaissait de l'archipel. Il paraissait soulagé après les paroles de Maëra, car il sentait qu'elle s'était calmer. Alors pendant que les habitants et les marins retournèrent à leur occupation et que les hommes du Commodore continuait de chercher pour le pirate en fuite, il continua ses explications

-Bien, dans l'archipel, plusieurs personnes vouent leur vie à élucider le mystère de la malédiction d'Orellon, car dans ce coin du monde, l'histoire d'Orellon n'est pas un mythe, mais un vérité. Je ne peu vous dire ce qui c'est passé dans la vie d'Orellon pour que la malédiction est lieu, mais je sais ce que l'on raconte. Orellon serait un être immortel naviguant autour de l'archipel. La malédiction empêche quiconque de sortir vers le monde extérieur. Désolé, vous ne pouvez pas rentrer chez vous, mais sachez que vous êtes acceptée avec joie parmi nous.

Entre temps, ils arrivèrent au quai ou était posté Lévia. Lévia est un navire militaire haute gamme, conçu pour éradiquer la menace pirate qui rôde dans l'archipel. Ce navire est immense et imposant et ses voiles arbore fièrement les couleurs de l'empire. Un rampe était placé pour accéder du quai au pont. Le Commodore posa un pied sur la rampe et tendit ses deux mains devant la dame pour qu'elle les utilise comme soutiens.

Maëra écouta avec une attention toute particulière chaque explication que l’homme concédait bien de lui apprendre, alors que tous deux continuaient de se diriger vers le bateau du commodore. Elle tentait d’intégrer et d’interpréter chaque nouvelle information, mais tout cela restait encore vague en son esprit. Elle ne se rappelait plus bien ce que racontait les légendes dont elle avait entendu parler pour la dernière fois près d’une dizaine d’années auparavant.
Ils venaient d’arriver devant l’imposant navire qu’elle observa avec intérêt lorsque Jean-Louis lui apprit qu’elle ne pourrait plus rentrer chez elle. Elle le dévisagea alors silencieusement, les yeux écarquillés, la bouche entrouverte et les bras pendants le long de son corps.

''Je… je suis donc prisonnière de l’île à cause d’une malédiction, qui ne m’empêcha pourtant pas d’y entrer ?''

Son esprit s’activa à toute vitesse alors qu’elle tentait de déterminer ce qu’elle devait croire. Elle regardait interloquée l’homme qui s’était arrêté à ses côtés.

*Dois-je me fier aux propos de cet homme qui est commodore dans l’armée impériale et qui m’a si gentiment aidé? De plus, il a une présence si rassurante, si honnête comment pourrait-il me mentir avec autant de tact?
Mais de l’autre côté, les enseignements de mes parents et instructeurs contredisent ce que je viens d’entendre…Pourtant, ils ne connaissent rien de ce lieu qu’ils croyaient inexistant.
Ainsi, le commodore Dafond à l’avantage de l’expérience, il sait de quoi il parle, il le vit. Ce doit être lui qui possède la vérité. Puisqu’il se propose si gentimment de m’aider et de tout m’expliquer, je me dois de lui faire confiance.*

''C’est étrange, on m’avait toujours répété que les contes et légendes ne sont que des histoires inventés pour divertir les enfants dont l’imagination est trop grande pour faire face à la dure réalité de la vie. Mais je semble en ce moment moi-même plongée dans l’un de ces contes… Justement, tous ont toujours voulu me faire croire que les mystères et la magie n'existent pas. Mais vous avez bien dit que nous nous trouvons dans un nouveau monde, n'est ce pas? Alors, pourquoi ce monde ci n'aurait pas des règles forts différentes de l'ancien en ce qui concerne le possible?''

Elle se mit à rire, d’un son mélodieux et doux. Puis elle regarda, de nouveau sérieuse le commodore.

''Alors il est vrai que je ne pourrai jamais rentrée?''

Son visage ne démontrait aucun désespoir, seulement une interrogation.

''Parce que vous savez, je crois que tout arrive pour une raison et que certainement cette situation me sera profitable, mais tout de même, je ne sais pas trop comment je vais me débrouiller pour vivre ici. J’ai toujours été entièrement dépendante de mes parents, je n’ai développé aucun talent et je ne connais rien de la vie de cet endroit.''

Empêchant l’homme de lui répondre, elle poursuivait sa réflexion sans complètement reprendre son souffle.

''Mais je suis bien heureuse d’échapper à la dépendance de mon très cher futur époux.''

Sur la dernière phrase le visage de Maëra avait prit une moue de dégoût et le ton de la jeune fille était devenu sarcastique.
Alors elle adressa un radieux sourire à l’homme alors qu’il l’aidait à embarquer sur son navire.

Ils continuèrent la montée sur le pont et le Commodore était rassuré, car Maëra semblait être curieuse sur ce monde plutôt que désespérée de ne plus pouvoir retourner à l'ancien. Au même moment, Jean-Louis affichait un grand sourire sur ses lèvres. Tout l'équipage qui était sur le pond regardait en direction de Maëra, certains croyaient que leur capitaine voulait lui faire visiter sa chambre, d'autres croyaient qu'il voulait seulement lui venir en aide pour une raison quelconque et les autres n'interrogeaient même pas sur le sujet. Avec le soleil se rapprochant davantage de l'ouest, environ une heure avant le crépuscule, Dafond décida de rester sur le pont pour lui expliquer pour deux raisons: pour le paysage magnifique et pour être plus alerte à la possible arrivée du pirate au port.

-Sauf si vous désirez autrement ma chère, je propose que l'on reste sur le pont.

Son visage démontrait une légère angoisse, il était facile d'en conclure que le commodore ne voulait pas donner la raison de cette décision. Il ne voulait pas lui dire qu'il était à la recherche d'un pirate pour ne pas importuner la dame ou la rende mal à l'aise.

-La population entière de l'archipel est prisonnière de la malédiction. La communication avec l'extérieure est presque impossible, car même si il est possible d'entrer en Orellon, il est impossible d'en sortir. Ce qui fait que nous n'avons pas de problèmes d'émigration.
Jean-Louis laissa paraître un sourire en coin suite à son commentaire humoristique.

-En Orellon, la magie existe, mais je vous suggère de ne pas vous en approcher, car elle est perfide. Les sorciers ne sont pas mauvais en soi, mais la magie qu'ils utilisent est mauvaise. Cette force mythique est capable des pires choses, certaines personnes corrompues pas la magie peuvent lancer des malédiction aussi grave que celle qui a été lancée à Orellon. La magie n'est pas une bonne chose, ... elle empoissonne la vie du peuple... et des sorciers. Si un jour la magie des enchanteurs ne sert qu'à guérir et reconstruire, j'accepterai cette magie, mais celle que l'on doit subir présentement, ...jamais. Il était évident que la magie est tabou pour Jean-Louis peut-être pour une raison personnelle ou simplement parce que personne n'aime la magie. Après un léger malaise de quelques secondes, il reprit la parole.

-Pour ce qui est de votre avenir, n'ayez aucune crainte. Beaucoup de gens croient qu'ils n'ont aucun talent, mais parfois, il se trouvent que ses gens là son envier par bien d'autres. On appel cela, de la modestie. Je suis sûr que vous vous trouverez une bonne voie à suivre. Si vous voulez, je peux vous emmenez à Wetherborough pour vous présenter à plusieurs de mes contacts. Sinon, vous pouvez toujours me parler de votre vie en Nuronis et on trouvera une façon de vous adapter dans l'archipel. Son regard traduisait sa sincérité et son petit rire en coin, un léger sentiment qu'il jouait à un jeu.

Maëra remarqua les regards que lui lancèrent les membres de l’équipage du commodore lorsqu'elle fut sur le pont, mais elle ne s’en formula point devinant que l’homme avec lequel elle se trouvait possédait le respect de tous ces hommes. Dafond lui semblait si charismatique et empathique, elle l’imaginait très bien en capitaine. Elle détourna toutefois le regard afin de contempler le magnifique paysage du bas soleil se reflétant dans les flots. À la proposition de Jean-Louis, elle le regarda de nouveau et acquiesça, enthousiaste. Lorsqu’elle remarqua le visage troublé de l’homme, Maëra fronça légèrement les sourcils mais ne s’interrogea pas plus sur la raison de son angoisse en admirant les reflets du soleil dans sa blonde chevelure. Elle écouta avec un intérêt grandissant chaque explication que l’homme considérait bonne de lui donner. S’efforçant à se concentrer afin d’en retenir le plus possible.

*Allez, concentre toi si tu veux savoir un peu comment te comporter ici, c’est important, c’est ton futur.
Ah non! Je n’écoute plus déjà, mon esprit vagabonde, allez, j’écoute!*

Elle rendit son sourire à Jean-Louis, lorsqu’il fit la blague sur l’émigration, puis se reconcentra sur ses mots, en ignorant les blagues qui lui revenaient à la mémoire. Maëra fut très intéressée lorsqu’il lui expliqua sa perception de la magie, elle n’eut aucune difficulté à tout écouter alors que l’intérêt paraissait dans ses yeux.

*Vraiment? La magie existe? Elle est perfide et mauvaise, il ne faut pas y faire confiance, mais c’est tout de même une réalité. Mes parents avaient tout faux quant à cela aussi. Assurément ma vie ici m’apportera toutes sortes d’aventures, même si ce n’est que par les histoires que je pourrai entendre des habitants.*

Elle acquiesça fervemment au commodore lorsqu’il se tut un instant, semblant mal-à-l’aise.

*La magie qui existe présentement en Orellon est mauvaise, il est impossible de l’accepter, c’est bien noté.*

Puis elle écouta ses dernières explications observant les activités de certains marins sans réussir à déterminer ce à quoi ils s’occupaient. Elle sourit à l’agitation régnant en ce lieu, preuve d’une vie occupée et donc enrichissante. Elle était bien heureuse d’échapper à un malheureux mariage pour se retrouver en un endroit lui semblant si intéressant. Voulant répondre au commodore qui s'était tut, elle réfléchit un instant afin de déterminer ce dont elle pouvait lui parler.

''Ma vie? J’aurais si peu à en dire. Honnêtement, mon père est un riche bourgeois, à la tête de la fort prisée boutique d’ébénisterie qu’avait développée mon grand-père, un homme formidable… Quant à ma mère, elle passe de la même façon que ma sœur toutes ses journées à l’ouvrage, à tisser de magnifiques tapisseries. N’ayant aucun de ces talents familiaux, j’étais on ne peut plus libre. Je m’instruisais un peu lisant beaucoup mais me rappelant de peu. J’adorais me promener dans les bois où je dégustais champignons et baies…''

Ses pommettes prirent une teinte encore plus rouge alors qu’un sourire timide apparaissait sur son visage.

''…et je combattais les arbres, avec une branche selon les démonstrations que mon grand-père m’avait faites avec cette rapière.''

Elle la désigna d’un geste du menton tout en portant un regard d’admiration sur l’arme qui pendait à ses côtés.

''De son vivant, et d’aussi loin que je m’en souvienne cette possession était sa plus grande fierté. Je ne sais pas vraiment pourquoi puisqu’elle n’a rien de spécial, n’est pas particulièrement travaillée, mais je me sens en sécurité lorsque je la porte. J’ai presque l’impression que Papi est de nouveau à mes côtés, à m’encourager. J’oublie justement que…''

Elle sembla soudain se souvenir de la présence de son interlocuteur, le voile du souvenir s’évapora de son regard alors qu’elle observait contrite Jean-Louis.

''Je ne sais pas pourquoi je vous déblatère tout cela, ce doit être d’un ennui mortel! Veuillez m’excusez je vous pris, pour mes manières si peu appréciables. Vous êtes déjà si gentil de m’aider et de m’informer de la sorte, et moi je viens vous ennuyer avec des souvenirs dont vous n’avez cure.''

Elle le gratifia d’un léger sourire pour s’excuser. Et abandonnant tous ses souvenirs de jeunesse qu'elle ne considérait pas interessant pour l'homme, elle reprit la parole.

''Vous me parliez donc de Wetherborough où vous pensez que je pourrai me débrouiller? Je ne suis pas contre l’idée, si toutes vos connaissances ont la moitié de votre prestance et de votre gentillesse, je n’aurai rien à craindre.''

Une expression simplement joyeuse couvrait son visage alors qu’elle détournait un instant le regard, légèrement gênée par le compliment qu’elle venait de lui faire sans même l’avoir prémédité. Mais il lui semblait si sincère.

Le Commodore était content de ce que Maëra lui avait racontée, car maintenant il connaissait légèrement les intérêts de la dame. Il était certain qu'elle aimait lire, la liberté et le combat.

*Si elle a fait une aussi longue description de la rapière qui appartenait autrefois à son grand-père et qu'elle a même mentionnée l'entraînement avec les arbres dont elle a honte, je ne puis me tromper, c'est une ou une future guerrière.*

Juste après le compliment que lui avait fait Maëra de Frontellier, Dafond se sentit vraiment apprécié et il prit connaissance de l'importance de sa description d'Orellon et de ses propositions.

- Ne vous inquiétez pas, les souvenirs dont vous me faites par sont loin d'être ennuyeux, même qu'ils sont intéressants. Pour ce qui est de mes connaissances à la capital, je vous informez de chacun de leur champ d'expertise, ainsi vous pourrez choisir ceux que vous voulez rencontrer selon vos intérêt.

Le commodore se tourna vers le port, accota ses coudes sur le bord du Lévia et il regardait ses troupes qui cherchaient le pirate sur le pont tout en réfléchissant à qui pourrait-il présenter Maëra à Wetherborough?

- Si vous aimez la lecture, je pourrais vous présenter à mon frère Marcus qui est instituteur de profession et adepte de la lecture. Si vous désirez une vie de marchand, les contacts de ma famille dans ce domaine vous aideraient sûrement à vous bâtir un nom dans l'économie. Puis, si vous désirez devenir un militaire ou simplement une épéiste hors pair, je peux vous aider. Et bien d'autre encore.

Maëra fut bien heureuse, bien que ce soit typiquement enfantin, que Dafond insiste sur le fait qu’il trouvait intéressants les souvenirs qu’elle lui avait racontés. Car pour elle ces souvenirs avait une grande importance, et même si ce n’était que pour être poli, l’intérêt que l’homme semblait lui porter depuis leur rencontre la touchait réellement.
Elle hocha légèrement la tête lorsqu’il lui proposa de l’informer sur les possibles personnes qu’il pourrait lui présenter.

*Que c’est galant de sa part d’ainsi me laisser le choix en m’informant sur les diverses possibilités qui s’offrent désormais à moi. Si peu de gens ont eut cette formidable attention pour mon avis sur ma propre vie. Cet homme est honnêtement gentil et c’est un véritable gentleman. Avec cette liberté, mon existence ici sera certainement des plus passionnante. Comment regretter les derniers événements?*

Lorsqu’elle vit Jean-Louis détourner le regard afin de scruter le port, elle se plaça à ses côtés afin de suivre son regard. Elle ne perçut rien de particulier, des gens semblaient attendre, elle ne savait pour quoi et peu lui importait sincèrement. Elle percevait bien dans le visage du commodore qu’elle regardait de nouveau une réflexion posée, ainsi elle regarda un peu le paysage, se concentrant sur les multiples couleurs que le soleil couchant étalait sur le ciel, laissant son esprit s’envoler avec les quelques oiseaux qui semblaient s’empresser de regagner leur nid.
Ainsi lorsque la profonde voix de l’homme parvint à l’ouïe de Maëra, elle ne put s’empêcher de sursauter en reprenant conscience de la situation et de l’importance des paroles de cet homme. Elle l’écouta avec attention souriant de tout le mal qu’il semblait prêt à se donner pour elle. Puis réfléchissant un petit instant, elle lui répondit :

''Merci infiniment de toute la gentillesse que vous me témoigné j’en suis réellement touchée, croyez-moi. Je suis persuadée que votre frère est un homme formidable et qu’il serait intéressant de le rencontrer, toutefois, je doute bien faire une bonne institutrice, j’ignore tout ce qui différencie nos deux états. Ainsi certainement en saurais-je moins encore que les élèves. S’il en avait été autrement…mais ce n’est pas le cas. De toute façon, j’étais plutôt piètre étudiante, la mémoire me faisant fréquemment défaut.''

Elle n’eut pas à penser avant de poursuivre. Malgré tout, elle fit une grimace de dégoût démontrant son manque total d’intérêt alors qu’elle continuait sur le même ton poli.

''En ce qui concerne le commerce, honnêtement, je n’y trouve aucun intérêt. Je détestais assister mes parents lors des transactions, un véritable ennuie. Merci de la proposition, mais je ne crois pas que je pourrais me complaire dans cette occupation, je me passerais ainsi bien de rencontrer vos contacts dans ce domaine si ce n’est que dans une optique professionnelle. Va sans ne vous déplaire assurément.''

Elle lui adressa un léger sourire contrit, puis le regarda le plus sérieusement du monde.

''D’où vous vient l’idée que je pourrais devenir une épéiste hors pair? Je ne crois pas même posséder suffisamment de compétences pour devenir militaire. Je suis une fille, il a toujours été affirmé qu’on ne pouvait se comparer aux hommes et le monde des armes leur est pratiquement réservé.''

Son visage affichait un air nostalgique alors qu’elle s’arrêtait de parler quelques secondes. Puis elle fixa Dafond de son regard profond.

''Mes parents m’auraient déshérité s’ils avaient appris que je m’intéressais aux enseignements de mon grand-père à ce sujet…mais plus encore puisque que je continuais de les pratiquer.''

Elle détourna la regard alors qu’une moue étirait ses lèvres.

''Surement qu’il serait préférable selon toutes les convenances que je rencontre vos marchands. Au moins j’ai certaines connaissances et cette discipline ne doit pas grandement différé de celle de mon pays.''

Ses yeux brillaient alors qu’elle se résignait. Mais jamais elle n’aurait osé s’abaisser à pleurer devant cet homme.